Lors du Forum chrétien romand, à Cressier ( 5.10. 2024), Martin Hoegger a présenté logique du Forum d’Accra auquel il a participé, avec deux autres déléguées de Suisse romande, Esther Solari et Franck Jeanneret. 

C’est à Accra, au Ghana, que le Forum chrétien mondial (FCM) a donné rendez-vous à 250 chrétiens venant de plus de 50 pays et de toutes les familles d’Églises. D’origine ghanéenne, son secrétaire général Casely Essamuah explique que le FCM veut donner aux chrétiens l’occasion de connaître et de recevoir les dons que l’Esprit-Saint a déposés dans les diverses Églises. « Il est un espace pour une rencontre profonde de foi. Nous apprenons ainsi à découvrir la richesse du Christ », dit-il.

Ce forum avait une belle logique en trois temps. Le premier jour, nous avons affirmé que c’est le Christ seul qui nous unit. Le deuxième, avec la visite de la forteresse de Cape Coast où des millions d’esclaves ont transité, nous avons confessé nos infidélités à la volonté de Dieu et reconnu notre besoin d’être pardonnés et guéris, avant d’être envoyés. L’envoi est le thème du troisième temps. (Lire ici plusieurs articles sur ce rassemblement, sur ce site)

Premier temps : le monde a besoin de voir les chrétiens ensemble

Le Forum commence dans le lieu de culte de la Ridge Church, une grande Église interdénominationelle. Un chœur entraîne l’assemblée dans des chants des diverses traditions. La prédication est apportée par Lydia Neshangwe, une jeune pasteur, modératrice de l’Église presbytérienne du Zimbabwe. 

Pour montrer la nécessité de considérer nos diversités comme des complémentarités, elle prend l’exemple de Paul et Barnabas. Elle a découvert entre eux treize différences ; la probabilité d’une division entre eux était grande, pourtant ils ont été envoyés ensemble. Pourquoi le Saint-Esprit les a-t-il réunis alors qu’ils sont si différents, comme le montre le livre des Actes des Apôtres ? (13,1-2)

Il en va de même pour nos Églises. Elles sont très différentes, mais le Saint-Esprit nous rassemble et nous envoie afin que le monde sache qui est le Christ. 

Partager nos itinéraires de foi 

Au cœur de la démarche du Forum se trouve le partage des « itinéraires de foi » dans des petits groupes d’une dizaine de personnes au maximum. La seule chose à faire est d’écouter ce que l’Esprit veut nous dire à travers le cheminement des autres avec le Christ. En sept minutes ! Voir la présence du Christ dans l’autre est le but de cet exercice.

Jerry Pillay, le secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, voit dans ce partage de nos récits personnels de foi, « une très belle tapisserie ». Il est comme un « chemin d’Emmaüs » où les cœurs brûlent de passion pour Christ. 

Le théologien Richard Howell, de l’Inde, reconnaît que ces partages ont transformé sa vie. « Après que ma maman a été miraculeusement guérie quand j’avais 12 ans, je suis alors devenu pentecôtiste. Je pensais que seuls les pentecôtistes étaient sauvés. En entendant des chrétiens d’autres Églises partager leur foi dans le cadre du Forum, j’ai demandé à Dieu de pardonner mon ignorance. J’ai découvert des frères et sœurs et qu’il me manquait 2000 ans d’héritage chrétien. Cela a été une nouvelle conversion ». 

Billy Wilson, président de la World pentecostal Fellowship (Fraternité pentecôtiste mondiale) dit sa reconnaissance que les pentecôtistes – la famille ecclésiale qui grandit le plus rapidement – soient accueillis autour de la table du FCM. Ils apprennent ainsi à mieux connaître les autres Églises. 

C’est la cinquième fois que je me livre à cet exercice. Son fruit est, à chaque fois, une grande joie qui donnera la tonalité de la rencontre. Ce partage suscite une amitié spirituelle qui permet de témoigner ensuite du cœur de notre foi commune. 

Deuxième temps : reconnaître nos infidélités et notre besoin d’être pardonnés et guéris.

Le guide nous a avertis : l’histoire de Cape Coast – à 150 km d’Accra – est triste et révoltante ; nous devons être forts pour la supporter psychologiquement ! Cette forteresse construite au 17e siècle par les Anglais a reçu notre visite au 2e jour du Forum.

Nous visitons les souterrains, certains sans lucarnes, où s’entassaient des esclaves en transit vers les Amériques. Quel contraste avec la grande salle du gouverneur avec neuf fenêtres et sa lumineuse chambre à coucher avec cinq fenêtres ! Au-dessus de ces sombres lieux une église anglicane construite par la « Société pour la propagation de l’Évangile ». « Où l’on chantait alléluia, alors que les esclaves criaient leur souffrance en dessous », précise notre guide ! Le plus troublant a été la justification religieuse de l’esclavage. 

Apporter la réconciliation offerte par l’Évangile 

La question qui m’habitait en entrant dans la cathédrale méthodiste de Cape Coast, contemporaine de la traite des noirs, est posée par Casely Essamuah, le secrétaire général du FCM : « où est-ce que ces horreurs continuent aujourd’hui ? » 

Une « prière de lamentation et de réconciliation » est ensuite conduite en présence de l’évêque méthodiste local. Ce verset du psaume 130 donne le ton à la célébration : « Des profondeurs, nous crions vers toi. Seigneur, écoute ma voix » (v.1)

Ensuite, Setri Nyomi, secrétaire général par intérim de la Communion mondiale des Églises réformées, avec deux autres délégués d’Églises réformées, rappellent la confession d’Accra publiée en 2004, qui a dénoncé la complicité des chrétiens avec l’injustice. « Cette complicité continue et nous appelle à la repentance aujourd’hui».

Cette visite a marqué la rencontre du FCM. Plusieurs orateurs ont exprimé par la suite l’impression qu’elle leur a faite. 

Comme on nous a exhortés à raconter ce que nous avons vu dans cet horrible endroit et vécu ensuite dans la cathédrale de Cape Cost, je vous ai livré ce moment marquant de la quatrième rencontre mondiale du Forum chrétien, avec les réflexions qu’il a suscitées.

3e temps : « Pour que le monde sache ». 

Le thème au centre du quatrième Forum chrétien mondial (FCM) est tiré de l’évangile de Jean : « Afin que le monde sache » (Jean 17,21). De multiples manières, l’assemblée a approfondi ce grand texte où Jésus prie pour l’unité de ses disciples en les envoyant dans le monde. 

Ce n’est pas un hasard que Jean 17 ait été choisi comme texte phare. En effet, « si la Bible est un sanctuaire, Jean 17 est le « saint des saints » : une révélation d’un dialogue intime entre le Père et le Fils fait chair », dit Ganoun Diop, de l’Église adventiste du Sénégal. C’est un grand mystère : Jésus nous a aimés afin que nous renaissions dans une vie nouvelle. Le FCM est un outil que Dieu utilise pour amener son amour. Et, l’amour est le ciment de l’œcuménisme !

Pour l’archevêque copte orthodoxe Angaelos, l’appel à l’unité par Jésus est un défi qui demande de la patience et bienveillance. « Nous devons fonctionner comme corps avec le Christ à notre tête. Cela signifie considérer dans nos décisions les autres parties de ce corps ».

Un chemin d’Emmaüs 

Le récit des deux disciples en marche vers Emmaüs est au cœur de ce que recherche le Forum chrétien mondial. 

A deux reprises, les délégués ont été invités à un « chemin d’Emmaüs » pour faire connaissance avec une personne que nous ne connaissions pas encore. En ce qui me concerne, je me suis promené avec Sharaz Alam, un jeune pasteur, secrétaire général de l’Église presbytérienne du Pakistan, dans le parc jouxtant le centre de la conférence, puis à l’ombre de grands arbres, autour d’une bière fraiche. Nous avons partagé sur le sens du récit d’Emmaüs. Il m’a aussi parlé de son action d’évangélisation auprès des 300 jeunes de sa paroisse et de son projet de doctorat sur les défis que lance l’islam à l’Église de son pays. 

L’horizon de 2033 est comme un chemin d’Emmaüs vers le jubilé des 2000 ans de la résurrection de Jésus. Le Suisse Olivier Fleury, président de l’initiative JC2033, parle avec passion de l’occasion merveilleuse de témoignage dans l’unité que représente ce Jubilé… « afin que le monde sache » que le Christ est ressuscité ! 

Pour l’archevêque Flávio Pace, secrétaire du dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, il symbolise l’Église en marche, rejointe par le Christ. C’est lui qu’il faut mettre au centre, et c’est avec lui qu’il faut ouvrir les Écritures.

Réfléchissant sur le récent synode de l’Église catholique, il affirme qu’il ne peut y avoir de véritable synode sans la dimension œcuménique. La veillée de prière au Vatican « Together » a donné un signe fort dans ce sens.

La célébration des 25 ans du Forum chrétien mondial (FCM). 

Elle a été l’occasion de rendre grâce, à travers son action, pour l’élargissement de l’unité visible entre les « vieilles Églises » et les « jeunes Églises » animées par une spiritualité évangélique et pentecôtiste. 

Cette célébration a eu lieu dans l’Action Chapel International, une grande Église pentecôtiste d’Accra. Lors du culte, son pasteur principal, l’archevêque Nicholas Duncan Williams a insisté sur le fait que l’amour réciproque auquel Jésus nous appelle (Jean 13) est plus important que toutes les manifestations de l’Esprit Saint, sans quoi on ne peut accomplir le grand mandat d’évangélisation.

Le pasteur allemand Konrad Raiser, ancien secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, est reconnaissant qu’au cours de ces 25 années le Forum a été en mesure de générer un nouvel esprit de respect et de confiance entre tous ceux qui invoquent le nom de Jésus-Christ et de renforcer ainsi leur témoignage commun 

Pour le Patriarche Bartholomée le FCM est « un don de l’Esprit dans le pèlerinage de foi vers l’unité ». 

Le pape François voit dans le Forum « une magnifique mosaïque du christianisme contemporain » uni par une « identité commune en tant que disciples de Jésus-Christ».

Thomas Schirrmacher, le secrétaire général de l’Alliance évangélique mondiale, est convaincu qu’avec le Forum chrétien mondial on est au cœur de l’Église de Jésus Christ, unie par une foi commune trinitaire.

Martin Hoegger (délégué d’En Chemin Ensemble au comité du Forum chrétien romand)