Par Martin Hoegger.
Le premier jour de juillet, plus de 60 personnes se sont donné rendez-vous à Saint Légier, dans les locaux de la Haute École de théologie (HET-PRO) surplombant la Riviera lémanique, pour le premier Forum chrétien vaudois. Lancement réussi dans une joyeuse fraternité et une souriante bienveillance !
Robin Reeve (Fédération évangélique vaudoise) accueille l’assemblée dans cette Haute École où il enseigne. Ex-président de la Communauté des Églises dans le Canton de Vaud, il voit dans ce Forum « un chemin nouveau qui répond à un besoin de renouveler l’œcuménisme ». Cette initiative nous fait découvrir ce qui nous unit et comment nous pouvons agir ensemble pour être témoins de Jésus-Christ.
Frédéric Keller, responsable de l’œcuménisme dans l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) rappelle la première rencontre du Forum chrétien romand, en 2021. « Quelque chose de fort a été vécu à Leysin : nous nous sommes reconnus comme frères et sœurs en Christ : c’est le socle », dit-il. Il y a appris à poser ces questions : qui manque autour de la table, qui n’a pas été invité ou qui s’en est exclu ?
Pour Philippe Becquart, adjoint du représentant de l’évêque dans le canton, c’est une immense joie de savoir que le Seigneur nous réunit et qu’il va nous guider. Le mot clé est, pour lui, celui de « discernement ». « Nous avons prévu de ne pas trop prévoir et invitons à une docilité à l’Esprit, qui nous permettra de discerner comment aller de l’avant ». Il remercie aussi les autorités des Églises qui soutiennent pleinement cette initiative et sont présentes.
Pour lancer la rencontre, Roula Lopez, formatrice d’adultes dans l’Église catholique, distribue des ballons à gonfler sur lesquels chacun est invité à écrire un mot qui signifie l’action œcuménique. Les ballons sont ensuite lancés par terre. Par petits groupes les personnes sont alors invitées à dire comment elles comprennent le mot écrit sur le ballon qu’elles ont ramassé. Et la salle se transforme en une ruche bourdonnante !
Qui manque autour de la table ?
Anne Cathy Graber, pasteure mennonite, nous parle à travers l’internet depuis Paris, où elle enseigne l’œcuménisme (Centre Sèvres). Membre du comité du Forum chrétien mondial, elle est sans doute la plus qualifiée à expliquer son histoire et ses buts, dans le monde francophone.
Le Forum chrétien mondial est né en 1998 à la suite d’une impulsion donnée par le Conseil œcuménique des Églises afin d’impliquer davantage les « Églises émergentes », principalement évangéliques et pentecôtistes dans le mouvement œcuménique.
Les fondateurs ont perçu l’urgence d’ouvrir la table du dialogue à d’autres partenaires. La question qui est posée est simple : qui manque à la table de la rencontre ? Cette image de la table suggère la notion d’hospitalité.
La pasteure précise que le Forum ne veut se substituer à aucune autre instance, mais favoriser la rencontre à travers l’écoute et la prière, ce qui d’ailleurs, dynamise le dialogue.
Dans les rencontres les participants viennent pour la moitié des Églises dites « historiques » et pour l’autre moitié des Églises plus jeunes. Le Forum veut créer un espace ouvert « pour confesser le Dieu trinitaire et Christ homme parfait et Dieu parfait et pour aborder ensemble les défis du monde d’aujourd’hui », comme l’affirme sa base spirituelle.
Partager son itinéraire de foi : le cœur d’une rencontre du Forum.
Raconter son histoire de foi ou sa rencontre et son cheminement avec Jésus-Christ, dans un cadre sécurisé et sécurisant…en sept minutes, tel est le cœur d’une rencontre du Forum chrétien, précise A.C. Graber.
Ce partage des étapes de notre vie où l’on a expérimenté la présence du Christ et notre réponse à celle-ci est décisif. La méthodologie a fait ses preuves dans plusieurs contextes. Tout commence par écouter l’autre. Découvrir le pèlerinage de foi de l’autre suscite la confiance et l’amitié spirituelle. « La conséquence est la reconnaissance interpersonnelle, dans les deux sens du terme: action de grâce et découvrir en l’autre un vrai disciple du Christ ».
Après cet exposé l’assemblée se partage en dix groupes de six personnes pour vivre ces « partages des itinéraires de foi », la plupart sortent dans la nature magnifique environnant le « Forum Emmaüs ». Au retour dans la salle les visages souriants témoignent sans beaucoup de paroles que le courant a passé !
Désir d’une nouvelle étape
Après le déjeuner, les participants se sont livrés à un exercice de discernement en trois temps. D’abord à l’écoute de la Parole de Dieu à travers une « Lectio divina ».
Tout commence par l’écoute de la Parole de Dieu, souligne Robin Reeve, en citant le Psaume 143, un « psaume de désir ». C’est elle qui donne de discerner le chemin à suivre : « fais-moi connaître le chemin où je dois marcher ! Fais-moi dès le matin entendre ta bonté ».
Il invite à lire plusieurs fois de suite le récit du songe de Jacob dans le livre de la Genèse. Après un temps de silence chacun peut dire ce qui l’a rejoint dans ce grand texte qui parle d’un nouveau départ dans la vie du patriarche. Suit un moment de prière libre où de nombreuses voix expriment à la fois la reconnaissance pour le chemin parcouru et le désir de vivre une nouvelle étape.
Rêves
La journée se termine par un travail en groupes où l’on rêve de projets œcuméniques pour le canton de Vaud, suivi par un échange en groupes confessionnels.
Un constat : il y a beaucoup de choses qui se font déjà… mais qui sont peu connues ou qui ont besoin d’être dynamisées, comme la « Nuit des Églises ».
Des rêves sont aussi partagés, comme le nécessaire renouveau communautaire, à travers des groupes de partage, en particulier dans les Églises réformées et catholiques qui voient leurs assemblées se réduire comme peau de chagrin.
Comment les Églises peuvent-elles aussi collaborer pour davantage de partage, de justice sociale et pour l’écologie ? « Le confort de nos petites paroisses ne doit pas être plus fort que l’appel de l’Évangile », a dit une participante.
Devant nous, il y a aussi des étapes importantes à considérer : 2025, la date commune de Pâques avec les Églises orthodoxes et les 1700 ans du Concile de Nicée. Une réflexion sur les fondements de notre foi pourrait avoir lieu à cette occasion. 2027 avec l’anniversaire de la première conférence œcuménique de Lausanne…et l’horizon 2033, le Jubilé des 2000 ans de la résurrection du Christ. Comment nous y préparer pour donner dès maintenant un témoignage commun au Ressuscité qui nous a unis aujourd’hui et nous conduira ?
Et les jeunes ?
« Il y a beaucoup de cheveux blancs parmi nous », remarque Nicodème Roulet, étudiant à la HET-PRO. Où sont les jeunes ? Sans eux l’œcuménisme dans le canton n’a pas d’avenir ! Comment les rejoindre alors que la question œcuménique se pose autrement pour eux : ils se rassemblent surtout autour de projets. D’autre part il n’y a pas de membres d’Églises d’immigrés. « Il ne faut pas démarrer de projets sans ces deux catégories ». Sans oublier les marginaux, les handicapés, l’Église persécutée et la communion avec le peuple juif.
« Donne-nous des amis !«
Tout commence par l’amitié : « Seigneur, donne-nous des amis » ! Telle a été la prière d’une personne dans un petit groupe. Or, la démarche du Forum favorise cette amitié spirituelle. Nous en avons fait l’expérience aujourd’hui ! On a senti aussi qu’il y avait une grande qualité relationnelle entre les responsables de cette journée. La prière, l’écoute et l’encouragement mutuel sont essentiels.
A la fin de cette rencontre, il est réjouissant que six autres personnes (deux de chaque famille d’Églises) aient accepté de former un groupe de travail pour discerner sur quel chemin le Forum chrétien vaudois pourrait avancer.
Pour conclure, laissons la parole à Frédéric Keller : « Il s’est passé quelque chose aujourd’hui: joie de la rencontre et de la communion. On se sent autorisé à réfléchir comment faire un prochain pas ». Et à Philippe Becquart : « Nous avons vécu une fraternité et une bienveillance qui font chaud au cœur. Qu’on soit aussi nombreux est un signe de l’importance de l’œcuménisme ».
Félicitations pour cette première rencontre.
La page https://romandie.forumchretien.org/vaud/ est elle prophétique?
Il semble y avoir 2024 au lieu de 2023.
Merci pour ce retour. Cela me stimule, même si j’ai aussi les cheveux blancs, à favoriser un vrai oecuménisme dans notre région qui est déjà heureusement une belle réalité.
Au fait, est-ce que les médias non religieux ont-ils rendu compte de cet événement? Si ce n’est pas le cas, ce ne serait pas inutile de le leur suggérer.