La première rencontre du Forum chrétien mondial à Limuru, au Kenya
A l’occasion de la troisième rencontre du Forum chrétien romand, le 5 octobre 2024 à Cressier (NE), Hubert Van Beek, premier secrétaire général du Forum chrétien mondial, a fait un petit historique de cette démarche originale
Je vous salue dans la communion en Christ – je regrette de ne pas pouvoir être avec vous aujourd’hui.
Dans l’annonce de la réunion d’aujourd’hui sur le site de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vau, il est dit que « la dynamique des forums chrétiens a été initiée par le Conseil oecuménique des Eglises (COE) au tournant de l’an 2000, et qu’elle vise la communion des croyants dans la prière, la méditation de la Bible, le soutien mutuel et le témoignage. En le lisant j’étais frappé par l’absence d’un mot, pourtant au coeur du Forum chrétien, unité.
Le Forum chrétien romand est une émanation du Forum chrétien mondial. Alors, je veux vous parler un peu de la dynamique de ce Forum chrétien mondial.
Dans les années 1990, il y a eu au Conseil œcuménique des Eglises une prise de conscience de la configuration du christianisme mondial. Grosso modo, l’Eglise catholique romaine représente la moitié des chrétiens dans le monde (2 milliards). Les Eglises membres du COE, protestantes, aanglicanes et orthodoxes comptent ensemble pour un quart. Quel est l’autre quart ? Ce sont les Eglises qui font partie de ce qu’on appelle les mouvements évangélique, pentecôtiste et charismatique.
En un siècle, il y a eu un bouleversement dans le monde protestant. Au début du XXIe siècle, les Eglises évangéliques et pentecôtistes représentaient 2% de la chrétienté – à la fin du XXIe 25%.
Au début du XXIe s. moins de 20% des chrétiens vivaient dans le ‘Sud global’. Aujourd’hui, c’est proche du 70%.
En un siècle, il y a eu aussi un bouleversement dans les relations entre le mouvement œcuménique et l’Eglise catholique. Quand le mouvement a commencé dans les années 1920, l’Eglise catholique y était farouchement opposée. Depuis Vatican II, elle y participe pleinement.
Prise de conscience du Conseil oecuménique des Eglises
La prise de conscience du COE était donc qu’un quart du christianisme mondial est en dehors du mouvement oecuménique.
Le COE était conscient dès sa création en 1948 que les églises évangéliques et pentecôtistes ne voulaient pas rejoindre le mouvement oecuménique. A l’époque, elles étaient encore une minorité.
L’Association évangélique mondiale fondée en 1951 était encore mal organisée et faible.
Aujourd’hui l’Alliance évangélique mondiale (le nom a changé) représente 6 à 700 millions de chrétiens, le COE 5 à 600 millions. Le COE et l’AEM sont certes des organisations différentes, mais de taille tout à fait comparable.
Je n’ai malheureusement pas le temps de vous parler de toutes les tentatives de rapprochement entreprises par le COE depuis sa création. Je peux vous assurer qu’elles ont été nombreuses et sincères. C’est vrai d’ailleurs aussi pour l’Eglise catholique. Pour le COE, le plus souvent c’était sans beaucoup de résultats. Une dizaine d’Eglises pentecôtistes sont devenues membres depuis 1961 (Cette année là deux le sont devenues). C’est bon, mais peu. Une dizaine d’Eglises africaines indépendantes aussi.
Le but premier du COE a toujours été – et reste – l’unité visible de toutes les Eglises qui confessent le Seigneur Jésus Christ comme Dieu et Sauveur (C’est la base du COE). Dans les années 1990 le COE s’est donc posé la question: comment poursuivre ce but, face à cette réalité qu’un quart du christianisme mondial ne se sent pas motivé par ce qu’offre et fait le COE.
La réponse qui s’est imposée a été: il faut ouvrir une nouvelle voie. Non pas une nouvelle organisation qui remplacerait le COE, mais un nouveau cheminement dont le COE est un des composants. C’est ainsi que l’idée d’un Forum est née.
Alors que l’idée était encore à l’état d’ébauche, le COE s’est assuré que l’Eglise catholique serait de la partie.
Ensuite, il fallait partager l’idée avec l’autre partenaire, les mouvements évangélique et pentecôtiste. Ce n’était pas simple, pour deux raisons:
– à l’époque, on se connaissait mal, il y avait peu de contacts, il y avait de la méfiance même.
– on avait une idée, une proposition d’un Forum, sans avoir un plan développé.
Avec le recul, cela était une bonne chose. Il fallait bien sûr que le plan soit développé ensemble.
Il aura fallu beaucoup de travail pour réunir, en septembre 2000, un groupe d’une trentaine de dirigeants, du COE, du Vatican, de l’Alliance évangélique mondiale, des Alliances évangéliques d’Afrique, d’Asie, des Caraïbes, de l’Europe, et quelques pentecôtistes. Où réunir un tel groupe ? Au COE à Genève? au Vatican? On a choisi un bastion du mouvement évangélique, le Séminaire théologique Fuller, à Pasadena, aux Etats-Unis.
Unité et mission
Est-ce que c’est le lieu, ou et-ce l’année (2000) qui a permis à l’Esprit d’ouvrir ce nouveau cheminement ? Certainement l’Esprit, mais le lieu et l’année ont peut-être aidé… Toujours est-il que le groupe était d’un commun accord : il fallait se lancer. Le groupe a défini le but : le COE et le Vatican ont dit unité, les évangéliques ont dit d’accord, mais il faut ajouter mission.
Unité : cela veut dire travailler sur les relations, dépasser les préjugés et les stéréotypes, apprendre à se connaître et se comprendre, construire la confiance.
Mission : cela veut dire là où c’est possible, coopérer et témoigner ensemble.
C’est aussi à cette réunion que le nom a été proposé – « Forum Chrétien Mondial » – par un pentecôtiste de Malaisie, et que quelques évangéliques ont rejoint le comité.
L’étape suivante a été d’organiser pour la première fois un Forum, au niveau mondial. Tout était à concevoir : qui inviter, quelle représentation, quel thème, quel programme, quel résultat visé, où tenir la réunion. Un problème inattendu s’est posé : comment commencer une telle réunion.
Pour affronter ces défis, le comité a osé innover :
– pas de thème préconçu ;
– pas de programme fixé à l’avance – ce sera à la réunion d’élaborer son programme ;
– pas de résultat visé – laisser les choses ouvertes ;
– le même nombre de participants venus des mouvements évangéliques et pentecôtistes que du mouvement œcuménique (y compris les catholiques), pour qu’on soit à égalité.
– invitations adressées aux Eglises et aux organisations, qui nomment leurs représentant-e-s, pour engager les Eglises et responsabiliser les participant-e-s
– commencer la réunion avec une séance de partage des itinéraires de foi : chaque participant a sept minutes pour dire comment elle ou il a rencontré le Christ et ce que cela a changé dans sa vie.
C’est en appliquant ces principes que la première consultation mondiale s’est tenue, en juin 2002, de nouveau au Séminaire de théologie évangélique Fuller à Pasadena, avec 60 participants du monde entier, protestants, anglicans, orthodoxes, catholiques, évangéliques et pentecôtistes.
Le partage des itinéraires de foi a été la grande révélation de cette réunion. A travers cet exercice, les participants se sont reconnus unis en Christ, avec toutes leurs différences.
L’autre révélation a été la dynamique spontanée : l’absence de thème et de programme a permis aux participants de prendre en main la réunion, d’en faire un espace pour une véritable rencontre entre des traditions chrétiennes différentes.
Ce n’est donc pas étonnant que ce premier Forum ait vu dans la création de cet espace de rencontre le génie du Forum Chrétien Mondial. Elle a formulé la Déclaration d’intention, qui reste encore la même aujourd’hui :
Créer un espace ouvert où les représentants d’un grand éventail d’Eglises et organisations chrétiennes, qui confessent le Dieu trinitaire et Jésus-Christ, parfait Dieu et parfait homme, peuvent se rassembler pour promouvoir le respect mutuel et pour étudier et aborder ensemble des défis communs.
Cette première consultation a été suivie de quatre réunions régionales, sur le même modèle, en Asie, Afrique, Europe et Amérique latine, pour tester la validité de l’expérience. Ensuite, un rassemblement mondial a eu lieu, qui a réuni les dirigeants du COE, de l’AEM, du Vatican, de l’Association mondiale pentecôtiste, et beaucoup de responsables d’Eglises de toutes les communions chrétiennes – en 2007, à Limuru au Kenya. Là, le comité a dit : « voilà ce que nous avons fait depuis 9 ans – à vous de dire s’il faut continuer, ou si on s’arrête là ».
Depuis, le Forum Chrétien Mondial existe comme lieu de rencontre et de rapprochement des deux mouvements qui ont marqué la vie et le témoignage des Eglises dans le monde entier, tout au long du XXIe s. – le mouvement oecuménique et le mouvement évangélique et pentecôtiste.
Le Forum chrétien ne remplace pas le mouvement oecuménique – que ce soit au niveau mondial, régional, national ou local – il ajoute une dimension – il l’élargit – il l’enrichit.
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